Les hybrides remontants


Baron Girod de l'Ain (Réverchon 1897)

 

 

 

Géant des batailles de Gwen Fagan (ZA)
Captain Cristy
Mistress John Laing (Bennett - 1887)
Comte de Falloux
Prince Camille de Rohan (Verdier 1861)
Fisher Holmes (Verdier 1864)
Ferdinand Pichard (Tanne 1921)
Fisher Holmes
Roger Lambellin (Schwartz 1890)
 

L'expression anglaise, "Hybrids Perpetuals", est en fait plus précise qu'en français: elle signifie "Hybrides (de Damas) remontants"..

Et c'est exactement de cela qu'il s'agit; mieux même, sachant ce que l'on sait aujourdhui des Damas, qui ont tous la même origine, les remontants comme les non-remontants, on peut dire que les Hybrides Remontants se situent juste entre les rosiers de Damas et les rosiers de Chine, dont ils expriment, en une synthèse particulièrement harmonieuse, les caractères en mélange.

Ils ont pour origine les rosiers de Portland, d'une part, et plus précisément les "Hybrides de Portland" (voir la page sur les rosiers de Portland), qui possèdent déja un certain apport génétique des rosiers de Chine, et, d'autre part, des rosiers remontants dont la remontance n'est pas issue des Damas mais des Chinensis: Bourbons, Noisette, Hybrides de rosier de Chine comme le très important "Gloire des Rosomanes". Et comme les Hybrides de Portland ont déja de tels apports dans leurs parentages, nous pouvons en conclure:

Les Hybrides Remontants sont issus des rosiers de Portland, qui sont eux-mêmes des rosiers de Damas nains remontants, croisés DEUX FOIS avec des rosiers dont la remontance provient de R. Chinensis.

Et voilà résumée toute l'histoire; les anciens obtenteurs ont en fait réuni les deux classes de rosiers remontants qu'ils connaissaient.

Druschki Rubra

Ces deux grandes classes de rosiers ont des comportements, des "programmes" bien différents. Et, tout informaticien vous le dira, mélanger deux programmes cela fait des "bugs"....Si nous considérons un point aussi simple -en apparence- que le débourrage au printemps, les Chinensis réagissent à la température, et démarrent donc au moindre redoux en hiver, tandis que les Damas, comme tous les Gallicanae, attendent bien sagement des jours meilleurs -plus longs en fait- car ils se basent sur l'allongement des jours pour décider quand ils démarrent.

Avec les Hybrides Remontants, ce "programme", comme tous les autres qui régissent la vie de la plante, est donc un mélange de deux programmes complètement différents, aux résultats aléatoires et imprévisibles car dans la Nature 1+1 ne font jamais deux...En conséquence, c'est avec les Hybrides Remontants que la culture de la rose a commencé à se compliquer quelque peu pour le jardinier, car, si bien des Hybrides se sont créés spontanément dans la nature -et la rose de Damas en est un des exemples-, les Hybrides Remontants, s'ils avaient été créés naturellement, n'auraient pas survécu laissés à eux-mêmes. Et il en va bien entendu de même pour les roses modernes qui ont suivi.

Et ceci essentiellement pour une raison: alors que les rosiers plus anciens, cultivés sur leurs propres racines, drageonnent, exactement comme les R.Canina qu'on voit proliférer dans la Nature sans que personne ne vienne désherber à leur pied, les Hybrides Remontants le font déjà bien plus rarement; en quinze ans de culture de plusieurs dizaines de ces rosiers, j'ai observé en tout et pour tout un seul drageon, alors que les points de greffe sont -comme il se doit- enterrés de cinq centimètres sous le niveau du sol. C'est dire que sans la taille, indispensable pour rajeunir la plante, voire parfois un passage du point de greffe à la brosse en fer pour favoriser l'émission de nouvelles pousses à la base (un "truc" du regretté Louis Lens), le rosier va vieillir et mourir en quelques années.

Emily Laxton

Et c'est encore plus vrai pour ceux qui, à partir de "Victor Verdier" (Lacharme 1859, Jules Margottin & la rose Thé Safrano), possèdent des gènes issus de roses Thé, premier pas vers les Hybrides de Thé, car à partir de là le bois vieillit encore bien plus vite, s'épaissit, se déssèche, se craquèle en quelques années. Sans taille énergique pour éliminer radicalement ce vieux bois, on finit par avoir une maigre petite chose avec une seule tige...

On l'aura compris: les Hybrides Remontants constituent la catégorie charnière entre les rosiers "anciens" et "modernes"; esthétiquement proches des premiers, ils doivent être cultivés comme les seconds!

Et ce n'est pas tout: si, en leur temps, ils connurent un grand suiccès commercial, aujourdhui nous savons qu'ils ne sont pas universels, loin s'en faut; il y a des jardins, comme le nôtre, où ils se comportent à merveille, et d'autres où ils ne poussent pas et/ou posent problème. Qu'en est-il ?

A lire de grands spécialistes du XIXème siècle comme William Paul ou Rudolf Geschwindt, ou le catalogue des Frères Ketten, Luxembourg, de 1912, on ne se douterait de rien: il s'agit de rosiers gourmands, certes, mais vigoureux et "adaptés " à toutes les régions de climat moyen ou septentrional" (Paul et Ketten)

C'est leur succès commercial, d'une part, et l'évolution climatique entre l'époque d'obtention des Hybrides Remontants et aujourdhui, qui semblent nous en donner les clés.

 

Heinrich Schultheis

En effet, qui dit succès commercial dit multiplication intensive....Or, justement ces rosiers drageonnent très peu, donc: greffage et bouturage. Avec les risques qui en découlent: virus via des porte-greffe non issus de semis (comme ce fut très fréquent aux Etats-Unis!), bouturage/ greffage à partir de rameaux faibles, bref nous avons, pour chaque variété, différents clones plus ou moins vigoureux, plus ou moins virussés. Un exemple extrème nous est fourni par "Géant des batailles" (Nérard 1846): les clones français et américain sont des nains de 20-30 centimètres de haut, alors que celui trouvé par Gwen Fagan en Afrique du Sud grimpe aux arbres, à cinq mètres de haut! nous cultivons les deux ici, ce qui *éclaire* la comparaison...

Le XIXème siècle fut un "mini âge glaciaire". -20°C l'hiver à Paris n'avait rien d'exceptionnel, avec des gelées tardives parfois jusque...Juin! inutile de dire qu'aujourdhui ce n'est plus pareil, et que si Ketten et Paul parlaient, l'un en 1912, l'autre dans les années 1870, de "régions septentrionales", il s'agissait vraiment de climat froids. Froids au point que Rudolf Geschwind, dans les années 1860, signale que les Hybrides Remontants ne sont pas assez rustiques pour des régions comme....L'Ukraine. De combien parle-t-on, ici ? de -30° ? Voire encore moins ? .

De tout cela découle une série de conditions aujourdhui nécessaires pour réussir avec les Hybrides Remontants au jardin:

-Ce sont des rosiers pour climats froids, avec des étés frais surtout, et humides. Si on en trouve en régions subtropicales, comme en Californie, c'est toujours près d'une mer où passe un courant froid, et probablement avec de l'eau en sous-sol. Les Ardennes, l'Argonne, le Jura, conviendront bien mieux que la région parisienne! ici, ils souffrent dès que la température dépasse 25°C. C'est vraiment un "palier". Heureusemzent, notre quartier s'appelle "La Sibérie"; même par fortes chaleurs, le thermomètre descend sous les 10° la nuit, et la rosée tient jusqu'après 10 heures du matin, même s'il fait 30° à 13 heures...

 

Hugh Dickson

-Ils sont exigeants vis-à-vis du sol, pour lequel ils semblent préférer une forte proportion d'argile: sol riche donc et plutôt lourd -mais bien drainé et travaillé-.Du fait qu'ils produisent des fleurs très grosses, et de plus deux fois par saison (en Juin, et en Septembre), ils exigent des amendements réguliers (au mieux du fumier, bien mûr, en Novembre, et au printemps en moindre quantité) .

-Alors que Rudolf Geschwind les cultivait exactement comme les Damas, en plein soleil, ce n'est pas ce qu'ils préfèrent aujourdhui. Les rouges surtout, issus de "Gloire des Rosomanes" (voir en "textes": les Rosomènes), ne supportent pas un soleil trop chaud. Il faut leur fournir, non pas de l'ombre, mais un soleil tamisé par la ramure des arbres aux heures les plus chaudes. L'idéal: leur donner un pommier à coloniser.

En fonction de tout cela, je pense que la bonne conduite à tenir, outre le fait d'habiter au Nord de la Loire, dans un endroit aéré, au climat frais, avec un sol consistant, est simplement d'essayer deux ou trois Hybrides Remontants de variétés différentes au jardin; et ensuite, voir comment ils se comportent! Il convient aussi, à la pépinière, de privilégier, si on a le choix,les plantes vigoureuses, vu la valeur fortement divergente des différents clones existants.

 

Prince Camille de Rohan

Ici en tous cas, ces rosiers sont très vigoureux, robustes et très résistants aux "maladies" (cryptogames). Beaucoup sont en réalité des grimpants entre deux et trois mètres cinquante de hauteur: Reine des Violettes, Baron Girod de l'Ain, le clone Sud-Africain de Géant des batailles en sont des exemples, et se taillent comme des rosiers grimpants modernes au niveau des tiges latérales.

Il existe plusieurs lignées d'Hybrides Remontants, pour lesquelles les différents auteurs ne sont pas toujours d'accord; certains, comme Gravereaux de la Roseraie de l'Haÿ, se basent sur l'aspect. En me fiant uniquement aux parentages, quand il sont documentés, je trouve les lignées suivantes:

1)- "La Reine" (Laffay 1842) a eu une descendance nombreuse. Pour autant que je sache, c'est le premier Hybride Remontant obtenu, encore proche des Portland par ses dimensions et son port, mais aux tiges glabres, avec des aiguillons mais quasipas d'acicules, et un feuillage lisse. Une foultitude de variétés de couleur rose en descend, et aussi quelques sports blancs. Ce sont des rosiers faciles, robustes et rustiques pour des Hybrides Remontants.

2)- Les "Rosomènes" (voir en "textes"). Issus de "Gloire des Rosomanes" (1825) et "Géant des batailles" (1846), lui-même techniquement encore un Hybride de Portland, classé par William Paul, avec d'autres semis de Gloire des Rosomanes, comme "Rose de rosomène" , ce qui donna "Général Jacqueminot" (1853), le premier Hybride Remontant rouge. Une multitude de variétés suivirent, croisées "en vase clos" entre elles. Ce sont les rosiers qui craignent le plus la chaleur et le soleil direct aux heures chaudes. Leur vigueur varie grandement, suivant les variétés et les clones, depuis la plante naine jusqu'au vigoureux grimpant. Esthétiquement, il est permis de penser qu'ici se trouvent les plus belles fleurs du genre Rosa...

 

Ruhm von Steinfurth

3)- La lignée "Vicot Verdier" (Lacharme 1859): ici, pour la première fois, une rose Thé intervient: "Safrano", mais comme père -les Hybrides de Thé du début ayant la rose Thé pour mère-. Ici aussi, des dizaines de variétés suivirent, qui tiennent le milieu entre les deux catégories précédentes et les Hybrides de Thé.

4)-La lignée "Charles Lefebvre (Lacharme 1861), réunit les "Rosomènes" et la lignée "Victor Verdier": Général Jacqueminot & Victor Verdier. De cette lignée on trouve encore assez facilement, outre Charles Lefebvre, "Souvenir du Docteur Jamain" (Lacharme 1865).

 

Thyra Hammerich

5)- La dernière lignée est celle de "Frau Karl Druschki" (Merveille de Lyon & Mme Caroline Testout, Hybride de Thé). Frau karl Druschki sera croisée avec d'autres Hybrides Remontants, des Thé, des Hybrides de Thé, pour former toute une llignée, à la recherche semble-t-il de la couleur jaune, qui sera timidement ébauchée par le dernier Hybride Remontant obtenu, "Goldene Druschki" (1936). Ces rosiers ne sont pas très rustiques pour des Hybrides Remontants, et semblent, en Belgique, à la limite de leurs possibilités en la matière; pour ceux qui habitent dans des régions un peu trop chaudes pour des Hybrides Remontants, mieux vaut essayer ceux-ci, ainsi que ceux issus de Victor Verdier, d'abord.