Les lianes

Paul's Himalayan Musk

 

Les rosiers lianes sont la forme cultivée du rosier la plus proche de celles qui poussent en liberté dans la nature.

En effet, à l'état naturel, les rosiers issus de la seule action de Dame Nature sont plutôt des ronces piquantes qui partent à l'assaut des arbres et des fouillis végétaux divers, à la lisière des zones boisées. Il existe bien des formes non grimpantes, voire point grandes du tout, comme ce R. Arkansana qui vit dans les prairies du Middlewest américain. Mais ce n'est pas le cas de la majorité des rosiers botaniques (= espèces, donc capables de se reproduire à l'identique par semis, ou des Hybrides qui se sont créés sans intervention humaine entre des Espèces), dont la présentation habituelle est un fouillis inextricable, bien éloigné de l'idée que se font la majorité des humains de ce que sont les rosiers et les jardins.

 

 

Et donc ce fouillis, cette exhubérance, les humains n'en voulant pas, mais plutôt quelque chose de "propre-en-ordre-impeccable-qu'on-pourrait-manger-par-terre-que-ça-"blinque", toute la sélection des roses, depuis on ne sait quand, a été vers l'obtention de fleurs plus grosses, aux couleurs les plus variées et les plus "pures" possible, sur des plantes qui ne dérangent pas. A la limite, la fleur sans plante aurait été l'idéal. Et toute la saison, s'il vous plaît!

Cette tendance des humains à vouloir tout régenter, à recréer la Nature à son image, s'exprime aujourdhui plus que jamais encore, à côté d'autres tendances plus récentes; des obtenteurs continuent à vouloir suivre les absurdités des modes superficielles, se coulant dans le lit d'un conformisme déjà dénoncé par Rudolf Geschwind dès les années 1860. Encore une fois, la plante ne douit pas "déranger": elle doit sentir bon, mais ne pas avoir d'aiguillons. Le port doit être présentable en pot dans les présentoirs des jardineries. Elle doit "résister aux maladies" -une absurdité totale- du moins les premières années, quand les ventes se font, avant qu'une souche de cryptogames mute et n'en fasse qu'une bouchée.

Plus graves encore seraient les tentatives de Docteurs Frankenstein avec le génie génétique naissant. Il y a quelque chose de tragique dans cette idée de bricoler avec les gènes comme avec des pièces de machines. Comme si un gène X, corrélé avec le caractère Y, allait se comporter de même manière dans un individu d'une autre espèce!

Avec les rosiers lianes, nous sommes dans un autre monde. Les premiers dévellopements eurent lieu vers l'entre-deux-guerres et les années 1920 quand des gens comme Barbier se sont mis à croiser des rosiers botaniques comme R. Wichuraïana avec des roses Thé, Hybrides de Thé etc.Ils recherchaient, et obtinrent, des rosiers qui conservaient une partie de l'exhubérance des botaniques, mais avec des fleurs plus conformes aux canons esthétiques des humains. Quitte -sacrilège suprême!- à renoncer à la remontance.

 

Theano & Pleine de Grâce

Tous ces rosiers Botaniques ne sont pas des monstres de douze mètres de haut, mais leur descendance peut le devenir du fait de la "vigueur hybride" qui suit souvent un croisement direct. C'est le cas par exemples des Hybrides de R. Multiflora, lui-même un grand arbuste, mais dont certains hybrides comptent parmi les plus énormes lianes.

Ces premiers essais étaient cultivés comme des grimpants, c'est-à-dire torturés pour garnir des arches, Pergolas etc. On n'en était pas encore à l'idée de leur donner des arbres en pâture.

On doit le passage au stade suivant aux jardiniers anglais et à des obtenteurs de génie comme Louis Lens. Les premiers ont osé présenter des rosiers dans des arbres jusque dans de prestigieux jardins "officiels". C'est là, ainsi que dans les ouvrages de gens comme Peter Beales, que l'idée nous est venue ici de garnir ces grands arbres -un chêne et des vieux pommiers envahis de gourmands à douze mètres de haut- avec les monstres qu'on commençait à trouver en vente libre.

Le second, Louis Lens, héritier d'une entreprise familiale d'obtenteurs et cultivateurs de rosiers, s'est de plus en plus écarté du conformisme qui règne dans ce secteur. Dès ses débuts, il "bricole" avec des rosiers anciens comme les Gallica -au désespoir de ses parents car "on n'obtient rien avec ça", bien entendu-. Plus tard, il obtiendra toute une série d'Hybrides de Moschata, de plus en plus subtils; en fin de carrière, il créera de véritables splendeurs en utilisant une impressionante collection de rosiers botaniques. Ces obtentions, dont beaucoup ne sont pas au commerce, recèlent des trésors qui pourraient faire beaucoup pour embellir nos jardins et espaces publics. Une visite du jardin créé par son ami Ivan Louette à Chaumont-Gistoux, une collection unique au monde sans doute, suffit à en convaincre quiconque ne croit plus qu'un jardin doit imiter la perfection mécaniste d'une machine ou d'une cuisine équipée.

Les rosiers lianes sont "faits" à l'inverse des buissons modernes à grandes fleurs (Hybrides de Thé et arbustes qui en dérivent); alors que ces derniers sont le fruit de milliers de croisements quasi consanguins, toujours entre eux, dans le but d'obtenir toujours la même chose, mais avec une nuance de ceci ou de celà en plus qui constituera le "dernier cri" de la mode, avec pour conséquence une base génétique étroite -et la vie difficile qui en découle logiquement-, les rosiers lianes restent très proches des Espèces botaniques. Certains, comme le merveilleux "Pleine de grâce" de Louis Lens, ne sont issus que d'un seul croisement: R. Filipes & Ballerina (un Hybride de Moschata du successeur de Pemberton). Un ou deux croisements du genre, et le reste n'est qu'affaire de sélection, comme le choix des géniteurs du reste. Ici, tout n'est qu'affaire d'art, de goût, et pas de Marketing.

 

Roseraie communale de Chaumont-Gistoux

C'est dire qu'ici, tout particulièrement, l'obtenteur amateur a ses chances. Partant d'Espèces, ou d'Hybrides directs d'Espèces, il peut essayer des croisements avec des roses anciennes en tous genres, pour simplement "voir ce que ça donne". Des obtenteurs de renom comme Rudolf Geschwind ou Wilhelm Kordes ne faisaient pas autrement; comme le second l'écrivit dans "Rosen", "....Et puis l'audace est toujours payante".

 

Quelques Espèces qui sont à l'origine de rosiers lianes:

R. PENDULINA ou ALPINA

Une Espèce européenne d'un mètre vingt de haut, qui, croisée avec on ne sait quoi (on a cru R. Chinensis),a donné la famille des Rosiers de Boursault.

R.FILIPES

Une Espèce chinoise qui grimpe à 9 mètres dans les arbres. En 1954, une mutation, ou un semis (car ces rosiers-là se sèment tout seuls) apparut en Angleterre, atteint facilement le double. On a même camouflé des cheminées d'usine avec.

R. WICHURAÏANA

Une Espèce chinoise à feuillage pratiquement persistant, formant un fouillis inextricable de tiges rampantes ou grimpantes suivant les opportunités. Floraison assez tardive. Ce rosier a été beaucoup utilisé par les obtenteurs.

R.SEMPERVIRENS

Comme son nom l'indique, il est "toujours vert": c'est une Espèce originaire du sud de l'Europe, à feuillage persistant, grimpant à 4,5 mètres. Assez utilisé au XIXème siècle par Jacques en France (dont le fameux "Félicité et Perpétue" est le plus connu), il tomba dans l'oubli après, jusqu'à ce que Louis Lens se repenche sur son cas.

R.SETIGERA

Il s'agit d'une espèce arbustive (1,50 mètre) d'Amérique du nord dont les Hybrides, comme "Baltimore Belle", atteigent, eux, 4,50 mètres de haut.

R.SOULIEANA

Originaire de l'ouest de la Chine, il s'agit d'un grand arbuste de 4 mètres de haut. Son Hybride "Kew Rambler" grimpe à plus de 5 mètres.

R.LAEVIGATA

Rosier chinois acclimaté en Amérique du nord sous le nom "Cherokee rose", dans les régions au climat doux uniquement car il n'est pas très rustique. 6 mètres de haut.

R.GIGANTEA

Un monstre qui vivait sur le flanc sud de l'Himalaya ; 12 mètres de haut, tiges énormes, pas très florifère. C'est l'ancêtre des roses Thé. Quelques Hybrides direct, ou proches, en ont été obtenus vers 1900-1920, comme "La Folette", Sénateur Amic", et les fameux rosiers de Clarke en Australie dont "Lorraine Lee".

R.BANKSIAE

Autre Espèce chinoise géante, non rustique chez nous (limitée au climat méditerranéen). de 4 à 7 mètres de haut et plus.

R.MULTIFLORA

Un des plus importants, il s'agit d'un rosier originaire d'Asie de l'est. C'est un grand arbuste de 4,50 mètres de haut, qui s'est acclimaté aux Etats-Unis au point d'y être considéré comme une "mauvaise herbe". On l'y avait planté comme "rosier d'autoroute" parce qu'il était capable d'arrêter une voiture qui en sortait avant qu'elle ne rencontre quelque chose de plus embêtant. Il en existe plusieurs formes:

CARNEA: forme à fleurs doubles, 6 mètres.

CATHAYENSIS: a fleurs plus grosses. Un autre fortapprécié par Louis Lens.

PLATYPHYLLA: grand feuillage, fleurs doubles assez grosses. 6 mètres.

WATSONIANA:: moins vigoureuse, cette forme japonaise pourrait être un Hybride. 1,50 mètre.

WILSONII:: origine inconnue, 4,50 mètres.

R.MOSCHATA: Rosier à floraison tardive, originaire du Moyen-Orient et vivant depuis longtemps dans le sud de l'Europe, on l'a cru perdu, on pense l'avoir récupéré. Floraison tardive, de Juillet à Septembre. Petit grimpant, 3 mètres, dont certains descendants, comme "R. Moschata Grandiflora" atteingent 9 mètres. Mais il est aussi à l'origine des rosiers de Damas, et, bien que de façon indirecte, des fameux Hybrides de Moschata.

Cela en fait des choses avec lesquelles on peut "jouer"...

Contrairement aux rosiers buissons modernes, les problèmes que posent les rosiers lianes sont des questions de discipline: il faut les freiner! la taille, éventuelle, n'a pas pour but de maintenir leur vigueur, mais de les restreindre s'ils exagèrent; il faudra contrôler les drageons, qui, ches "Paul's Himalayan Musk", par exemple, finiraient par coloniser tout le jardin, et celui du voisin aussi si possible. Même les semis spontanés peuvent être envahissants. S'il fallait, par malheur, rabattre leur arbre, ne tentez rien sans casque et combinaison de plongée, sinon vous risquez de collectionner quelques points de suture. Mais ces légers désagréments valent la peine d'être tolérés, tant ces rosiers, en floraison mais aussi à l'automne, quand vient la période des fruits, sont une splendeur, tout particulièrement en contraste avec les variétés à grosses fleurs.

 

 

Obtentions inédites de Louis Lens à Chaumont-Gistoux